Pourquoi Bastiat est le meilleur économiste de l'histoire

Découvrez ce qui fait la supériorité des analyses économiques de Bastiat sur toutes les autres !

BASTIAT ÉCONOMISTE

Damien Theillier

3/16/20234 min read

Gustave Flaubert écrivait à George Sand en 1871 :

« Dans trois ans tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les choses changeraient ! »

Flaubert avait sans doute raison. Mais cela ne s'est jamais produit. Pourquoi ?

En exergue de la première série des Sophismes économique, Bastiat notait cette citation de Bentham : « En économie politique, il y a beaucoup à apprendre et peu à faire. » Avec une telle philosophie, on comprendra que la pensée de Bastiat aura moins de succès auprès des politiques que celle d'un Keynes par exemple. Celui qui prétend pouvoir arranger les choses, les réparer et mieux les organiser aura toujours un avantage sur celui qui défend la liberté et la responsabilité individuelle. Mais celui qui fait de l'économie un outil politique, pour justifier l'intervention de l'Etat, mérite-t-il encore le titre d'économiste ?

Bastiat voyait l’économie comme la science des échanges et de leurs perturbations.

Ce qui distingue Bastiat des économistes néo-classiques qui viendront ensuite (comme Keynes par exemple), c’est que pour lui l’économie n’est pas une machine dont l’État serait le moteur. L’économie est organique : «elle décrit comment la richesse se produit et se distribue, de même que la physiologie décrit le jeu de nos organes ». Elle est comme un corps vivant dont il s’agit d’étudier les organes ainsi que les lois naturelles de son organisation.

« Car, s'il y a des lois générales qui agissent indépendamment des lois écrites et dont celles-ci ne doivent que régulariser l'action, il faut étudier ces lois générales ; elles peuvent être l'objet d'une science, et l'économie politique existe. Si, au contraire, la société est une invention humaine, si les hommes ne sont que de la matière inerte, auxquels un grand génie, comme dit Rousseau, doit donner le sentiment et la volonté, le mouvement et la vie, alors il n'y a pas d'économie politique ; il n'y a qu'un nombre indéfini d'arrangements possibles et contingents; et le sort des nations dépend du fondateur auquel le hasard aura confié leurs destinées. » Chapitre I des Harmonies Économiques.

Selon lui, la tâche fondamentale de l'économie est d'identifier les perturbations de ces échanges. Or seule l'analyse logique permet de déceler les sophismes économiques qui président à ces perturbations. Selon Bastiat, c'est la spoliation, par l’intervention infondée de la loi dans le marché, qui est à l’origine des perturbations sociales. C'est pourquoi la véritable économie repose sur l'analyse logique des fausses justifications de la spoliation légale. Et elle sera en mesure d’éclairer les consciences sur le caractère utile ou nuisible, et aussi juste ou injuste, des actes humains, qu’ils soient individuels ou collectifs.

L’économie permet de voir ce qu'on ne voit pas : la spoliation légale et ses sophismes.

Dans Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, il propose une méthodologie que les économistes, mais aussi les philosophes, peuvent utiliser pour juger les politiques interventionnistes étatiques. Pour cela, dit Bastiat, il suffit de les juger d’après leurs effets et non en vertu de l’intention qui les a inspirées.

Quelles sont les victimes, quels sont les bénéficiaires de ces politiques ? Quelles sont les nuisances d’une loi ou d’une décision politique, non seulement à court mais aussi à long terme et pour l’ensemble de la société ? Quels sont les coûts cachés de telle ou telle mesure ? Qu’auraient fait

les contribuables à la place du projet gouvernemental, avec l’argent qu’on leur a enlevé en impôt ? Le libre-échange fait-il plus de gagnants que de perdants ? Telles sont les questions posées par le bon économiste selon Bastiat.

On peut aller jusqu’à dire que l’économie politique, telle que la conçoit Frédéric Bastiat n’est plus seulement une science de la formation et de la distribution des richesses, qui serait comme un domaine d’étude séparé de la réalité sociale et politique, mais le socle à partir duquel l’harmonie sociale pourra être pensée et pratiquée.

De même que la mauvaise économie engendre la mauvaise politique, la bonne économie est capable d’engendrer la bonne politique, celle qui sert l'intérêt général. Autrement dit, le marché libre, pour peu que la loi reste négative (qu’elle se contente de réprimer l’injustice), favorise non seulement l’essor de vertus individuelles mais également l’essor d’un ordre social harmonieux et pacifié.

«Les intérêts sont harmoniques, pourvu que chacun reste dans son droit, pourvu que les services s’échangent librement, volontairement, contre les services. » (Frédéric Bastiat, « Harmonies Économiques », chap. VIII, Propriété, Communauté in Œuvres complètes, tome 6, Institut Coppet, Paris, 2015.)

Il s'ensuit que l'économie est aussi une philosophie des limites de la connaissance.

L'économie n'est pas un cours qu'on peut apprendre à l'université. Elle n'est pas une science exacte comme la physique. Faire de l’économie une science physique, c’est du scientisme, pas de la science. C'est précisément ce qu'expliquera plus tard Friedrich Hayek, dans son Discours de réception du prix Nobel en 1974 : The pretense of knowledge. (Lire ici l'abrégé de ce discours)

L’économie pour Bastiat n’est pas comme une voiture, avec un moteur à réparer. L’économie c’est l'homme, ses facultés, ses besoins, son action. Il n’y pas besoin d’un mécanicien, l’économie est organique. En ce sens, l'économie est inséparable de l'histoire mais aussi d'une anthropologie et d'une morale. Bastiat n'est pas de ces économistes qui se cachent derrière un jargon obscur ou des formules mathématiques trompeuses. En bon humaniste français, à l'instar de La Fontaine, Pascal ou La Rochefoucauld, il est capable de croiser les disciplines : l'économie, la logique, la morale l'histoire, la philosophie et la pédagogie.