Le pouvoir libérateur de la monnaie

Dans La route de la servitude, Hayek fait un éloge de l'argent comme outil de liberté et, à l'inverse, il montre le caractère asservissant de la planification centralisée.

Friedrich Hayek

2/19/20243 min read

Au pays des Schtroumpfs, l'argent n'existe pas et la vie est gratuite.

Chacun dans le village contribue à la société selon ses capacités et chacun reçoit selon ses besoins. Un jour, un Schtroumpf de passage à la grande ville va apprendre l'usage de l'argent.

Rentrant au village, ce Schtroumpf financier décide de prendre modèle sur les humains et d'introduire le système monétaire (malgré l'opposition du Schtroumpf à lunettes). Il pense que cela rendra la vie plus équitable et intéressante.

Mais l'argent apporte le malheur dans le village et comme d'habitude c'est le Grand Schtroumpf qui se charge de faire la morale à tout le monde et de rétablir l'autorité.

La vraie morale de cette histoire ? Nous allons la découvrir avec ce texte de Hayek, écrit 50 ans plus tôt. Non l'argent n'est pas une catastrophe. Alors que le pouvoir absolu des planificateurs est synonyme de servitude, la monnaie est synonyme de choix :

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"Si nous nous efforçons d’obtenir de la monnaie, c’est parce que la monnaie nous procure le choix le plus large pour profiter des fruits de nos efforts. Une fois gagnée, nous sommes libres de la dépenser comme nous le souhaitons.

Parce que c’est à cause du fait que nos revenus monétaires sont limités que nous ressentons les restrictions que nous impose encore notre pauvreté relative, beaucoup en sont venus à haïr la monnaie comme symbole de ces restrictions.

En réalité, la monnaie est l’un des plus grands instruments de liberté jamais inventés par l’homme. C’est la monnaie qui, dans la société existante, ouvre un éventail de choix stupéfiant au pauvre — un éventail plus large que celui qui était ouvert aux riches, il n’y a que quelques générations.

Nous comprendrons mieux l’importance des services que rend la monnaie si nous considérons ce que cela signifierait réellement si, comme le disent si souvent de nombreux socialistes, le « motif pécuniaire » était largement remplacé par des « incitations non économiques ». Si toutes les récompenses, au lieu d’être offertes en monnaie, étaient offertes sous la forme de distinctions publiques ou de privilèges, de positions de pouvoir sur d’autres hommes, de meilleurs logements ou de meilleures possibilités de déplacement ou d’éducation, cela signifierait simplement que nous ne serions plus autorisés à choisir, et que celui qui a fixé la récompense déterminerait non seulement son importance, mais aussi comment on devrait en profiter.

La soi-disant liberté économique que nous promettent les planificateurs signifie précisément que nous serons libérés de la nécessité de résoudre nos propres problèmes économiques et que les choix amers que cela implique souvent seront faits pour nous. Puisque, dans les conditions modernes, nous dépendons pour presque tout des moyens que fournissent nos semblables, la planification économique impliquerait la direction de presque toute notre vie. Il y a peu de ses aspects, depuis nos besoins primaires jusqu’à nos relations avec notre famille et nos amis, depuis la nature de notre travail jusqu’à l’utilisation de nos loisirs, sur lesquels le planificateur n’exercerait pas son « contrôle conscient ».

Le pouvoir du planificateur sur nos vies privées serait à peine moins efficace si le consommateur était nominalement libre de dépenser son revenu à sa guise, car l’autorité contrôlerait la production.

Dans une société de concurrence, notre liberté de choix repose sur le fait que, si quelqu’un refuse de satisfaire nos désirs, nous pouvons nous tourner vers quelqu’un d’autre. Mais si nous avons affaire à un monopole, nous sommes à sa merci. Et une autorité dirigeant tout le système économique serait le plus puissant monopole imaginable.

Il aurait le pouvoir absolu de décider ce que nous devons recevoir et à quelles conditions. Il ne déciderait pas seulement quels produits et services seront disponibles et en quelle quantité ; il pourrait diriger leur distribution entre les localités et les groupes et pourrait, s’il le souhaitait, discriminer entre les personnes autant qu’il lui plairait. Ce n’est pas notre point de vue, mais le point de vue de quelqu’un d’autre sur ce que nous devrions aimer ou pas, qui déterminerait ce que nous devrions obtenir.

La volonté de l’autorité façonnerait et « guiderait » encore plus nos vies quotidiennes dans notre rôle de producteurs. Pour la plupart d’entre nous, le temps que nous passons à notre travail est une grande partie de toute notre vie, et notre travail détermine généralement où et avec qui nous vivons. Par conséquent, une certaine liberté dans le choix de notre travail est probablement encore plus importante pour notre bonheur que la liberté de dépenser notre revenu pendant nos heures de loisir."

FRIEDRICH A. HAYEK

ABRÉGÉ DE LA ROUTE DE LA SERVITUDE
Traduit par Gérard Dréan, Paris, 2019, Institut Coppet
https://editions.institutcoppet.org/produit/f-a-hayek-abrege-de-la-route-de-la-servitude/
www.institutcoppet.org